La haute définition serait-elle devenue un leurre ?
Dans le domaine de la réalisation de films, la Ultra Haute Définition (UHD) est-elle vraiment une priorité ? Il ne s’agit pas là de la diffusion, mais de la captation, alors même qu’à ce jour, les caméras et écrans 8K (8000 pixels de large) sont en plein développement.
Au même titre que jadis, une course à la vitesse des processeurs avait lieu entre Intel et Amd (et Cyrix pour les anciens), alors que maintenant on n’en parle plus. Et pour cause, leur architecture en multiples cœurs se rapproche de la façon de penser du cerveau humain : en parallèle, et non plus en séquentiel.
Parlons justement de notre cerveau. C’est en lui que tout ce passe : l’œil, tel un capteur numérique d’appareil photo ou de caméra vidéo, ne fait que récolter une information et la transmettre. C’est le cerveau, au même titre que le logiciel embarqué de ces appareils, qui interprète ces informations en images. Dans un autre domaine, Dali disait que c’est le premier organe sexuel…
Alors que pouvons-nous dire de la perception d’une image fixe, ou mollement animée, et d’une séquence d’image très rapide et dynamique ?
Revoyons certaines scènes de la découverte d’un tableau dans un musée : On a le temps… On observe d’abord l’image générale, puis on va vers le détail, pas à pas en passant par l’élaboration du sens de ce barbouillage. C’est le cerveau qui fait apparaître les perspectives, les masses, les formes, les ombres, les visages, et tout cela à partir d’un chaos de couleurs, et de contrastes pour les monochromes. Puis au final, son pouvoir d’abstraction fait des connections avec d’autres souvenirs et met en lumière un sens à ce tableau.
Ensuite, on prend le temps d’ausculter la technique utilisée par le peintre. On rapproche le regard à quelques centimètres pour observer les détails de l’image. Peinture au pinceau, à la brosse, au couteau; huile, gouache, acrylique. Et là, on a déjà bien pris quelques minutes pour analyser tout cela.
En vidéo, la fréquence d’images est de vingt cinq par seconde, soit une seconde divisée par vingt cinq pour observer une image… Notre cerveau n’est-il pas fabuleux ?
Une véritable machine à trier.
Ce cerveau à une capacité incroyable pour hiérarchiser l’information reçue. Et dans le cas d’un film vidéo il reçoit 1500 images en une minute. Alors quelle est la priorité pour lui à ce moment là ? Il s’agit bien entendu de faire un lien entre elles et de leur apporter un sens logique.
Par exemple, en voyant une main lâcher une bouteille en verre, on anticipe l’action de la chute dans nos pensées, voire celle de l’éclatement de celle-ci une fois arrivée au sol. D’où la surprise si l’on voit surgir subitement dans le cadre de l’image, une autre main qui vient s’en saisir avant le choc par terre. Voici l’une des techniques des films de suspens : Aller à l’encontre de l’anticipation du spectateur.
Et le détail de l’image dans tout cela ?
Tout dépend du type de scène :
Un plan long avec un paysage magnifique, ou un gros plan sur l’expression d’un visage, vont laisser une certaine priorité cérébrale au détail de l’image, à la qualité de sa définition. En revanche, une scène d’action, du fait même du flouté de l’image du au dynamisme des mouvements (acteurs, explosions, mouvements des caméras, etc…) vont mettre l’intérêt de la définition de l’image plutôt en arrière plan. Ce n’est plus cela à quoi va s’attarder le cerveau. Face à du mouvement, il s’intéresse au devenir de ce mouvement, et au sens de l’action. Que va-t-il se produire après ?
D’ailleurs, si l’on fait un arrêt sur image de ce genre de scène, le tableau est presque digne de certains grands impressionnistes, et c’est bien une impression que l’on souhaite faire ressentir au spectateur. Pas du tout la réalité. C’est un travail d’artisan sur le plan de la technique, mais également artistique.
Replongeons-nous dans la scène de débarquement du film de Spielberg “Il faut sauver le soldat Ryan”. Une réussite en matière d’impression : le grain de l’image, les mouvements saccadés de la caméra, la durée des plans, les effets sonores… Le but est de mettre le spectateur dans l’action de ce débarquement, côté américain. Des prises de vue de type “caméra embarquée”.
Rien à voir avec la scène équivalente dans le film “Le jour le plus long” sorti en 1962, où le but est de montrer de manière plus neutre, les points de vues des deux camps de manière globale. On est là dans un style plutôt documentaire. Deux époques où l’on perçoit la guerre différemment.
Autre exemple tiré du début des effets spéciaux : la poursuite dans la jungle, dans le film “Le retour du Jedi” (prononcez “le retour du jet d’ail” …), le deuxième film de la saga Star wars dans la chronologie des sorties (1983), mais correspondant à l’épisode 6 sur l’ensemble de la saga. Celui-ci fut réalisé par Richard Marquand d’après un scénario de George Lucas et Lawrence Kasdan.
Les plans larges des scènes de poursuites sur motoculteurs volants sont réalisées à partir de maquettes incrustées dans le paysage. Et afin d’avoir une image la plus réaliste possible, un léger flou de mouvement fut rajouté image par image sur la maquette en mouvement au sein du paysage qui lui était en plan plus ou moins fixe. Du flou… Ils ont osé rajouter du flou ! Ce n’est plus de l’impressionisme, c’est un genre de Sfumato, effet vaporeux sur une image, inventé par… Léonard de Vinci. Dans un autre but en ce qui le concerne, bien sûr.
On pourrait presque dire qu’un film c’est 50% de post-production : le montage et les retouches numériques sont une phase cruciale. Comme avec le maquillage, il est possible d’augmenter des effets pour de meilleures sensations chez le spectateur, ou de corriger des erreur, voire des contraintes.
Un exemple avec l’une des premières séquences dans “Alien” de Ridley Scott, où l’on voit la retransmission vidéo des caméras des casques d’astronautes sur une console de contrôle, c’est à dire en petit format.
Il faut se rappeler que se film fut réalisé avec un million de dollars, c’est à dire pas grand chose, et que l’on était en 1978, l’ère préhistorique de la vidéo. Le tout donne donc de petits moyens, et donc une caméra vidéo de base, ce qui implique une image difficilement montrable sur un écran de cinéma.
C’est là que l’on reconnaît les grands réalisateurs, car l’astuce était justement de réduire à l’écran cette image désastreuse sur le plan de la qualité visuelle, en l’incrustant dans un petit carré de tableau de bord. Cette piètre qualité fut justifiée par un élément du scénario : la tempête qui sévissait sur cette planète. Et le format VHS comportait environ 250 lignes… Imaginez-les sur un écran de plusieurs mètres de hauteur.
Quand on n’a pas de pétrole, il vaut mieux avoir des idées !
Au moment de la captation vidéo :
N’oublions pas que le premier réglage de la définition, c’est surtout la mise au point lors de la prise de vue… Notamment, actuellement avec la pénétration sur le marché grand public d’objectifs de qualité professionnelle. Beaucoup de novices découvrent la notion de profondeur de champ, sans forcément imaginer qu’elle existe en photo depuis plus d’un siècle, et qu’elle se règle principalement par l’ouverture du diaphragme et donc le temps de pose, et que donc la lumière n’est pas du tout étrangère à ce paramètre… La mise en avant du sujet, par le flouté de son environnement, existait déjà avant l’avènement des logiciels de retouche d’image. Le premier avantage étant d’avoir un flouté cohérent pour notre cerveau, car parfois, le flouté élaboré en post-production n’est pas toujours une réussite, et devient trop visible. Les meilleurs effets spéciaux sont ceux que l’on ne voit pas.
De même, l’utilisation d’un pied permet d’éviter les mouvements de caméras et ainsi limiter les flous de mouvement. On profite mieux des capacités de la haute définition. C’est comme conduire une Ferrari en ayant le pied sur l’accélérateur et l’autre sur le frein. A moins, bien sûr, que ce flou soit voulu pour rendre un effet (Cf : scène du débarquement en Normandie ci-dessus).
Conclusion :
Il ne faut pas nier qu’une image de très haute définition se remarquera. Surtout dans des plans fixes ou lents, avec une action relativement statique, là où le cerveau a le temps d’apprécier.
Si on compare deux séquences d’action, avec deux définitions différentes, on sentira bien que l’une est en haute “def” et pas l’autre, mais c’est un ressenti qui n’est pas prioritaire dans notre cerveau au moment présent de la visualisation de cette scène.
De plus, si vous ne respectez pas la “HD”, alors la “HD” ne vous respecte pas :
Prenons soin de la prise de vue. Si les délais le permettent, il faut bien régler ses lumières, la mise en scène par rapport à ces dernières, ou au soleil en extérieurs, travailler les ouvertures et la focale, la balance des blancs, pour finir avec une mise au point chirurgicale, le tout sur un pied digne de ce nom, c’est à dire, bien stable. Il serait dommage de donner du flou à un écran 4K voire 8K… Quel gâchis.
Mais n’oublions pas que la course à la très haute résolution n’est pas une priorité en matière artistique. Elle est un maillon de la chaîne. La post-production est là pour corriger les éventuelles erreurs, ou amplifier le ressenti que l’on souhaite faire naître chez le spectateur.
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